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Remise des insignes d’Officier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à Samuel Josefowitz

Cher Samuel Josefowitz,

Cher Paul Josefowitz,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois, autour
de Samuel et de Paul Josefowitz, pour rendre l’hommage de la France
à deux hommes exceptionnels, un père et son fils, mais aussi à une
famille hors du commun. Une famille d’entrepreneurs, comme il en
existe aux Etats-Unis et en Europe. Mais surtout, une famille
d’entrepreneurs culturels, ce qui est beaucoup plus rare. Une famille
dont l’engagement au service de l’art, et notamment de l’art français, est
tout à fait unique. Une famille attachée aux valeurs de transmission et
de générosité qui sont au coeur de la culture.

C’est votre engagement culturel qui est au fondement de votre fortune.
Un engagement qui s’exerce d’abord dans le domaine musical, où vous
avez fondé, Cher Samuel Josefowitz, dès 1947, avec votre frère David
Josefowitz, la Concert Hall Society à New York, premier club du disque
phonographique au monde, que vous avez développé dans de
nombreux pays, en produisant et en diffusant la musique classique. En
France, la Guilde internationale du disque, que vous avez créée en
1953, également avec votre frère David, favorisa la connaissance et
l’amour de la musique, en permettant à de nombreux Français
d’acquérir un disque pour la première fois de leur vie. Avec la diffusion
du disque microsillon 33 tours et la conception d’un électrophone de
qualité, vous avez ainsi contribué à ouvrir l’accès d’un très large public
à la culture musicale.

Puis, vous avez créé, dès 1963, une maison d’édition et la Guilde du
Livre, proposant de nombreux clubs de livres dans le monde entier.
Vous avez publié et diffusé de grands écrivains classiques – Balzac,
Zola, Stendhal, ainsi que des pans entiers de la littérature française –
de même que des prix littéraires et des encyclopédies, tout en veillant à
imprimer ces ouvrages sur du papier de qualité pour inciter les lecteurs
à se constituer une bibliothèque. La collection des Grands prix
littéraires, au moyen de la vente par correspondance, les a familiarisés
avec de nombreux auteurs du XXe siècle, tels André Malraux, le
créateur de ce ministère, François Mauriac, D.H. Lawrence, Alberto
Moravia et bien d'autres. Grâce aux abonnements, vous avez diffusé
les oeuvres de Maurice Genevoix, Maurice Druon, Pierre Mac Orlan ou
Georges Simenon, pour n'en citer que quelques-uns. Jusqu’en 1981,
date à laquelle d’autres reprirent cette activité, vos clubs ont fidélisé
environ trente millions de lecteurs dans vingt pays, dont quatre millions
en France.

Ce succès fondé sur la culture, tout en en maintenant le dynamisme,
vous l’avez aussitôt réinvesti, en quelque sorte, dans la culture, en
constituant une collection remarquable à maints égards. Elle
comporte notamment un choix unique de peintures françaises de la
seconde moitié du XIXe siècle, en particulier de Paul Gauguin et de
l’École de Pont-Aven, auxquels vous vous êtes intéressé très tôt, bien
avant leur notoriété actuelle, désormais incontestable ; cette partie de
votre collection est d’ailleurs la plus considérable au monde avec celle
du musée d’Orsay. Le rôle de votre famille en faveur du rayonnement
de l'art français a d'autant plus d'importance que votre collection est
centrée sur des artistes de notre pays et des écoles artistiques
françaises, restés pendant longtemps ignorés du public international.

Outre Paul Gauguin, votre collection comporte des oeuvres
exceptionnelles d'Émile Bernard, de Paul Sérusier ; parmi les Nabis,
Bonnard, Vuillard, Roussel, Maurice Denis, Vallotton, Maillol, et
d'autres membres de leur cercle, il est peu d’ensembles comparables
aux chefs-d'oeuvre qui figurent dans votre collection ; elle comporte
aussi quantité d'oeuvres des Néo-impressionnistes, tels Signac,
Lucien Pissarro, Angrand, Luce, et d’autres artistes comme Degas,
Caillebotte, Toulouse-Lautrec, Redon, Bresdin, parmi tant d’autres
noms illustres. J’ajouterai que, dès les années soixante, vous avez
commencé à rassembler l’une des plus importantes collections de
gravures de maîtres anciens tels Mantegna, Rembrandt, Dürer,
Bellange, Callot, Schongauer.

Cette magnifique collection, vous l’avez généreusement ouverte aux
plus grands musées – et notamment au musée d’Orsay – qui ont pu y
puiser la matière d’expositions novatrices.

Je tiens à vous remercier pour vos prêts d’oeuvres, généreusement
consentis, mais également pour avoir mis à disposition des
chercheurs un fonds documentaire très conséquent, qui a favorisé la
réalisation de nombreuses publications, tant en France qu'à
l’étranger.

Il n'y a pratiquement pas d’autre collection privée au monde qui ait
confié autant de ses oeuvres aux musées, allant souvent jusqu'à en
prêter une centaine au même moment. Vous avez consenti de
nombreux à la France, à Paris bien sûr, que ce soit au Musée
d'Orsay, aux Galeries nationales du Grand Palais ou encore à la
Bibliothèque nationale de France, permettant de réaliser des
expositions exceptionnelles telles les rétrospectives consacrées à
Gauguin, Caillebotte, Vuillard, Toulouse-Lautrec ; mais aussi en
région, aux musées de Grenoble, Strasbourg, Nancy, Lyon, Rouen,
Saint-Tropez, Nice, Marseille, Pont-Aven, Brest, Quimper.

Ces prêts généreux ont permis à des millions de visiteurs de
connaître et d'apprécier l'art français de la fin du XIXe siècle dans les
musées des grandes capitales culturelles, New York, Washington,
Zurich, Madrid, Venise, Tokyo, Copenhague, Amsterdam, et dans
bien d’autres villes en Europe ou aux Etats-Unis, de même qu'en Asie
et en Australie.

Outre les prêts d'oeuvres pour les expositions conçues par des
musées ou d’autres organismes, votre famille a organisé la première
exposition majeure de tableaux de l’École de Pont-Aven qui a circulé
à travers les Etats-Unis, l'Australie et le Japon. Elle a également été à
l’origine de la première exposition de gravures de cette école à
travers le monde, présentée à Paris, à la Bibliothèque nationale de
France.

Sans le goût, les efforts et la générosité des trois générations de
collectionneurs et prêteurs de votre famille, notre perception, de même
que notre appréciation, de l'art français du XIXe siècle seraient
incomplètes.

Samuel, Paul, ainsi que Nicholas Josefowitz, votre fils, qui représente la
troisième génération et qui va poursuivre l'oeuvre de son père et de son
grand-père, tous trois, vous avez fait en sorte que votre collection
exceptionnelle participe au rayonnement de la culture française à
travers le monde.

Cher Samuel Josefowitz,
amateur d’art renommé, vous êtes également un grand mélomane et
vous avez une immense culture littéraire, alliés à un goût artistique
très sûr. Dans ces différents domaines, vos multiples activités ont
favorisé la découverte et la connaissance de l’art, et en particulier de
l’art français, sous toutes ses formes et dans tous les pays.

Vous êtes aussi un très généreux mécène : quelques années après la
création du musée de Pont-Aven, vous avez offert à cet établissement
vos archives, qui comportent des centaines de documents sur l'École
de Pont-Aven. Vous avez
donné les fonds nécessaires à la création d'un Centre d'études sur
cette école, qui, depuis lors, porte votre nom. En 1999, vous avez
également fait don à l'Indianapolis Museum of Art de nombreux
tableaux et de la totalité de la collection des 95 gravures qui était
présentée dans l'exposition organisée en 1986 dans ce musée, où
une galerie porte maintenant votre nom.

Vous avez fait découvrir, étudier, connaître et apprécier l’art et la
culture de notre pays dans le monde entier et votre engagement a
considérablement compté dans le domaine artistique, ce qui fait de
vous un véritable ambassadeur de la culture française.

Cher Samuel Josefowitz, au nom du Président de la République et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons officier
de la Légion d’honneur.

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