Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Laurent Bayle
Cher Laurent Bayle,
Je suis très heureux de vous accueillir, pour saluer en vous un acteur
majeur et un artisan patient des grandes et belles perspectives qui
s’ouvrent aujourd’hui pour le paysage musical de notre pays. La saison
2006-2007 aura été une étape décisive pour le développement de l’offre
musicale de la France, et pour son rayonnement, et vous êtes, cher
Laurent Bayle, à la croisée stratégique, et au coeur de ces nouvelles
ouvertures.
En quelques mois, un grand projet a abouti, et un nouveau a été lancé.
Je
parle, bien sûr, de la réouverture, très attendue, de la Salle Pleyel, pour
laquelle vous avez tant oeuvré, et de la mise sur orbite, souvent annoncée,
et enfin réalisée, de la Philharmonie de Paris. Le 5 avril prochain,
l’architecte lauréat du concours ouvert pour la maîtrise d’oeuvre de cet
équipement culturel de première importance, sera désigné.
Directeur général, depuis 2001, de la Cité de la Musique, vous êtes aussi,
depuis 2006, Président de cette mythique Salle Pleyel, rendue à la fois à
son histoire et à de nouvelles ambitions. Le projet qu'elle porte désormais
vous doit beaucoup, puisque durant plus de trois ans, vous avez présidé et
animé le groupe de travail chargé de le mener à bien. Depuis novembre
dernier, vous êtes également le Président de la Philharmonie de Paris, ce
grand auditorium de quelque 2400 places, qui ouvrira en 2012 dans le Parc
de la Villette.
Cette future institution, dotée de salles d’exposition, et d’un pôle
pédagogique que vous avez voulu ouvert à toutes les formes de musique,
et à tous les publics, renouvellera, en profondeur, l’approche de la musique
dans notre pays, et démultipliera le rayonnement de la France sur la scène
artistique internationale.
Croyez bien que je suis conscient de l'étendue de votre charge. Je sais,
cher Laurent Bayle, que vous saurez relever ce nouveau défi, avec
l’audace, le talent, et l’inventivité dont vous avez toujours fait preuve,
depuis le début de votre carrière. Ces qualités ont fait de vous une
personnalité toute désignée pour accompagner l’État dans sa volonté de
moderniser les conditions d'accueil des grandes phalanges nationales et
internationales, de diversifier les publics, et de faire entrer le concert
classique dans le XXIe siècle.
Alors que vous n'êtes vous-même ni musicien, ni compositeur, ni artiste,
vous êtes unanimement salué comme un virtuose, et un orfèvre en la
matière, vous qui avez marqué de votre empreinte le festival Musica,
l'Ircam, et la Cité de la Musique, fleurons de notre vie musicale.
C'est pourtant par le théâtre, dans votre ville natale de Lyon, que vous
êtes venu au monde du spectacle. Diplômé de Sciences Po, professeur
de Lettres Modernes, vous êtes très tôt attiré par l’animation culturelle.
Vous soutenez alors la démarche de la Compagnie La Satire, qui
déploie son action dans la banlieue lyonnaise. Vous faites vos premières
armes dans ce combat exigeant, qui consiste à conjuguer au quotidien
art et gestion, pour mener à bien une entreprise de spectacle vivant.
Vous passez maître dans cet exercice au Théâtre de l'Est lyonnais, où
vous êtes nommé Directeur adjoint en 1977, avant de devenir, dès
l’année suivante, Administrateur général de l'Atelier Lyrique du Rhin,
organisme associé à l'Opéra du Rhin. Vous accompagnez sa démarche
de création en faveur du genre lyrique contemporain, et vous devenez
un familier de la diversité des courants de la vie musicale.
Cette terre d'Alsace, sa position transfrontalière, sa vocation à l'échange
et à l'ouverture, vous retiendront durablement. En 1982, à la demande
du ministère de la culture et de la ville de Strasbourg, vous fondez une
manifestation qui devient rapidement un rendez-vous essentiel de la
création musicale contemporaine : Musica, le Festival international des
musiques d'aujourd'hui. On sait que Musica n'a, depuis, jamais cessé de
nourrir l'impulsion que vous avez su lui donner, pour favoriser la
rencontre de la création avec un vaste public, pour affirmer la
confrontation entre les esthétiques, et pour inscrire les nouvelles
générations dans le cours de l'histoire musicale. Vous êtes vous-même
toujours resté fidèle à ces principes, et au modèle de diffusion qui en
découle.
En 1987, vous rejoignez l’Institut de Recherche et Coordination
Acoustique/Musique, en tant que Directeur artistique, auprès de son
fondateur et Directeur, Pierre Boulez, qui vous proposera de lui
succéder en 1992. Vous creusez un peu plus profondément le sillon qui
rapproche cette fois la composition de la recherche ou de l'industrie, et
la création de la pédagogie.
Vous développez également les liens de l'Ircam avec les grands pôles
internationaux, lançant des tournées et scellant des partenariats
universitaires en Europe, en URSS, au Japon et aux États-Unis. Vous
faites émerger de nouvelles générations de musiciens, en créant un
département de pédagogie. Vous rendez ce lieu plus ouvert, plus
accessible à tous, y compris dans sa structure architecturale, dimension
qui vous a toujours intéressé. Pour que les nouvelles technologies ne
soient plus un domaine réservé, vous lancez le « Forum Ircam », qui
promeut l'utilisation des logiciels musicaux, et vous créez le Festival
Agora, pour une diffusion élargie des créations. En 1995, vous mettez
en place une médiathèque informatisée particulièrement performante.
Trois ans plus tard, vous innovez avec la création d'un département
danse, qui rapproche chorégraphes et compositeurs.
Je n'oublie pas votre mission de conseil aux programmes musicaux de
la Sept, durant les premières années de lancement de la chaîne, de
1987 à 1989, autre témoignage de votre magnifique vocation de
passeur.
Ces compétences, ce savoir-faire, cette expertise, qui vous permettent
d'appréhender de façon globale et prospective toutes les
problématiques de la vie musicale, nous savons avec quel talent vous
les avez mis, dès 2001, au service de la Cité de la Musique. Vous y
avez succédé à Brigitte Marger, qui, dès le lancement de ce grand
vaisseau, lui a donné un élan et un rôle phare au coeur de notre
paysage musical. A votre tour, vous en avez développé les activités,
accru la fréquentation, et diversifié les publics.
Sous votre direction, cette institution, qui mérite plus que jamais son si
beau nom, a confirmé son rôle fédérateur, et son identité pertinente et
plurielle. Sa programmation exigeante en fait un lieu de référence, un
lieu d'échanges entre répertoire et musiques populaires, entre
patrimoine et création.
L'action pédagogique de la Cité s'est également renforcée, et je m'en
réjouis, car vous savez combien je suis attaché à la proximité avec les
publics, au développement des pratiques et à l'étendue de
l'enseignement musical dans notre pays.
L'inauguration en octobre 2005 de la Médiathèque, que vous avez voulu
mettre en place dès votre arrivée à la tête de la Cité, me semble à cet
égard particulièrement emblématique. Le fonds qu'elle détient, son
projet éducatif, ses capacités d'accueil, et enfin sa situation symbolique,
sur ce que l'on appelle « la poutre », donnent la meilleure et la plus juste
image possible du rôle porteur et structurant de la Cité !
La France salue aujourd’hui, par ma voix, votre dévouement sans borne,
l’ambitieuse vision que vous portez, et les merveilleuses promesses que
vous incarnez pour sa vie musicale.
Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous
sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d'Honneur.