Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Alain Artaud-Macari
Cher Alain Artaud-Macari,
Je suis très heureux de saluer aujourd’hui en vous un grand acteur du
monde de la musique, dont la grande carrière semble avoir été guidée par
ce principe, que je vous emprunte volontiers : “ Même si une musique
paraît difficile au premier abord, si nous l'aimons, il n'y a aucune raison
pour que le grand public ne partage pas cette passion. ”
Et cette passion vous est venue dès votre jeunesse, pendant laquelle vous
pratiquez le piano, et la guitare, et envoyez même quelques maquettes de
votre crû à des maisons de disques. Étudiant à Sciences Po, vous déclarez
tout de go à vos examinateurs, surpris, qui vous interrogent sur vos projets
d'avenir : “ Je veux monter une maison de disques ”.
Vous intégrez très vite, au début des années quatre-vingts, à l'appel de
Patrick Zelnik, une jeune société indépendante, une maison emblématique
d'un nouveau savoir-faire, qui n'est autre que Virgin. Vous y êtes d'abord
en charge de l'international, avant de devenir Directeur du marketing.
Vous
travaillez avec Renaud, Etienne Daho, Julien Clerc et Alain Souchon,
autant de talents éclatants de la scène française.
Lorsque Virgin cherche à se diversifier, vous co-fondez “ Labels ”, – avec un
s, – sorte de fédération de plusieurs labels indépendants. La démarche,
novatrice, est couronnée de succès.
“ Labels ” signe et produit quelques-uns des plus grands noms de la scène
française d'aujourd'hui : Daft Punk, Yann Tiersen, Moby, Dominique A, pour
ne citer qu'eux. La production de la bande originale d'Amélie Poulain ou du
magnifique album de Jean-Louis Murat, Mustango, les plus de 700 000
albums vendus par Sergent Garcia sont à inscrire à votre actif, de même
que le succès de la jeune scène électronique française.
En signant des artistes comme Daft Punk et des projets comme les
compilations des soirées “ Respect ”, vous avez contribué à replacer la
France au centre de la carte des pays exportateurs de musique.
En signant Cali, vous avez apporté une dernière touche personnelle à
l'action de “ Labels ”, au coeur de la nouvelle chanson française, avant de
devenir Président de Capitol en 2002. Vous y accompagnez notamment
Jane Birkin jusqu’au disque d’or, avec le magnifique album Arabesque.
En 2003, vous devenez Directeur général du label indépendant V2, et vous
y menez une politique artistique aussi éclectique qu’exigeante. Vous ouvrez
l'horizon musical du label à toutes les identités, à tous les talents singuliers.
Vous accueillez les nouveaux venus que sont Daphné ou Babet [prononcer
Babette]. Vous accompagnez le développement d'artistes telle Anaïs, qui
s'imposent désormais, et viennent rejoindre le catalogue prestigieux où
figurent Isabelle Boulay, Jean-Louis Murat ou encore Henri Salvador, qui
vous a suivi.
Henri Salvador dont vous avez orchestré en 2000 le grand retour, avec
l’album Chambre avec vue, vendu à plus de deux millions d’exemplaires.
C'est, pour vous, une très grande rencontre, que vous évoquez toujours
avec beaucoup d’émotion.
Je sais que vous nous préparez en ce moment même, avec ce grand
crooner devenu votre ami, d'autres futurs très beaux souvenirs, à la
démesure de cet immense artiste, qui fête cette année ses 90 ans. [Je n'ai
d'ailleurs pas oublié que nous avons évoqué ensemble un projet à l'Opéra-
Garnier et croyez bien que je suis aussi attaché que vous à le voir se
réaliser.]
Je suis heureux de saluer aujourd’hui en vous, non seulement un brillant
découvreur de talents, et un acteur majeur de notre vie musicale, mais
aussi un grand bâtisseur de cette Europe de la culture que j’appelle de mes
voeux, et que vous incarnez éminemment, en tant que co-fondateur, en
2003, de Cooperative Music, une organisation dédiée aux labels
indépendants à travers l'Europe.
Alain Artaud-Macari, je suis heureux de vous remettre les insignes de
Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.