Installation du Conseil national de l'inventaire général du patrimoine culturel
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au ministère de la culture et
de la communication, à l'occasion de l'installation du Conseil national de
l'Inventaire général du patrimoine culturel.
L'Inventaire général arrive aujourd'hui à un tournant majeur dans son histoire :
André Malraux, en 1964, l'avait voulu comme « un outil de connaissance
global, démocratique et moderne » ; quarante ans plus tard, il a rempli sa
vocation au-delà de toute attente, et répond parfaitement, grâce à vous, grâce
à plusieurs générations de chercheurs et de techniciens au service du
patrimoine, à ce mot ambitieux de Malraux : « l’Inventaire des richesses
artistiques de la France est devenu une aventure de l’esprit ». C'est la raison
pour laquelle je viens vous dire, avant tout, la reconnaissance de tous nos
concitoyens pour le travail immense que vous avez accompli et que vous
continuez de mener à bien.
Par ses missions, recenser, étudier, faire connaître le patrimoine de la France,
l'Inventaire général révèle le patrimoine, il le donne à voir. Il a été conçu
comme une entreprise de connaissance méthodique et raisonnée de tout les
trésors de notre patrimoine, depuis les monuments jusqu'aux objets, « depuis
la petite cuiller jusqu’à la cathédrale », comme on a coutume de le dire ; en
poursuivant ce travail de longue haleine, il a contribué à défricher de nouveaux
champs du savoir et de la connaissance : par son approche du patrimoine
industriel, de l'architecture du XXe siècle, il a par exemple profondément
renouvelé l'étude des villes, et a su mettre en oeuvre pour cela les outils
numériques qui sont devenus notre quotidien. Depuis sa création, l'inventaire
général a étudié 180 000 édifices, et autant d'objets mobiliers dans toute la
France. En métropole comme dans les départements et territoires d'outre-mer,
près de 14 000 communes françaises, soit une commune sur trois, ont fait
l'objet d'une enquête patrimoniale.
L'effort de diffusion de ces connaissances est également considérable, qu'il
s'agisse des très nombreuses publications ou des ressources mises à
disposition du public sur Internet. Les statistiques de consultation du ministère
attestent de l'engouement de la population pour ce type d'informations : en
2006, plus de 5,5 millions de connexions on été enregistrées sur la base
Mérimée, consacrée à l'architecture, et plus 3 millions sur la base Palissy,
consacrée aux objets mobiliers.
Le grand historien de l'art que fut André Chastel, qui participa à la création de
l'Inventaire, le décrivait comme « la plus vaste entreprise d’information
fondamentale jamais réalisée dans le domaine artistique français »;
aujourd'hui, cette entreprise exceptionnelle entre dans une nouvelle phase de
son histoire. Car l’aventure n’est pas terminée : elle s’ouvre sur de nouvelles
pages, sur de nouvelles missions, sur de nouveaux moyens, dans le cadre du
mouvement de décentralisation dans lequel l'administration et tous les services
publics de notre pays sont engagés depuis plusieurs années.
Cette décentralisation, vous en êtes les acteurs et les témoins, vous qui avez
engagé très rapidement de multiples formes de collaborations avec les
collectivités territoriales. Car qu'est-ce que la décentralisation, au fond, sinon
de nouveaux rapports entre l’État, les territoires et les collectivités locales
destinés à faciliter la gestion, le développement et le rayonnement de nos
atouts dans tous les domaines ?
L'Inventaire général du patrimoine culturel a su prendre résolument ce
tournant de la décentralisation ; son rôle a été inscrit dans la loi française du
13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales. Depuis le 1er
février 2007, en application de l'article 95 de cette loi, la conduite des
opérations d'inventaire est confiée aux Régions, tandis que l'État garde un
rôle décisif pour le maintien de la cohérence nationale et la définition des
normes. Après les archives et les bibliothèques départementales, et au terme
de l'expérimentation des protocoles de décentralisation, c'est donc une
nouvelle répartition des compétences qui s'instaure, pour assurer
l'engagement commun des collectivités territoriales et de l'Etat en faveur du
patrimoine.
Cet engagement est plus que jamais nécessaire : le patrimoine, creuset de
références et source de création, incarne la singularité d'un territoire, d'une
communauté. Au-delà de son pouvoir d'identification et de reconnaissance, il
tisse un maillage du patrimoine et de la mémoire qui fonde et enracine notre
société. Comme le montre, année après année, le succès que rencontrent les
journées du patrimoine, l'enthousiasme de nos concitoyens pour la
découverte des lieux d'histoire et de mémoire n'est pas près de se démentir.
De cette passion partagée, de cet enthousiasme, peuvent naître beaucoup
d'espoirs pour l'avenir ; je ne prendrai qu'un seul exemple, qui est à lui seul
significatif, celui de l'Europe : au moment où nous venons de célébrer le
50ème anniversaire du Traité de Rome, j'ai la conviction profonde que le
patrimoine commun que nous partageons avec nos partenaires européens
sera la clé d'un nouvel élan dans la construction de notre communauté.
C'est
l'un des enseignements d'une étude récemment commandée par la Direction
de l'Architecture et du Patrimoine, et le sujet principal des septièmes
Entretiens du patrimoine, qui se sont tenus à Paris la semaine dernière.
La
mise en valeur du patrimoine européen, qui se fera de plus en plus
notamment à travers le programme des Labels européens du patrimoine, doit
permettre de susciter un renouveau du sentiment d'appartenance à une
communauté de culture, d'histoire et d'avenir.
Les missions attribuées à l'inventaire général du patrimoine ont donc une
portée globale très importante, qui ne doit pas être oubliée ; cette portée
globale ne doit pas non plus faire oublier les responsabilités locales
essentielles qu'assume l'Inventaire : lieu de connaissance et de
compréhension de l'histoire des régions et des villes, il est en effet un outil
particulièrement précieux d'aide à la décision en matière d'aménagement du
territoire. Les données qu'il collecte ont vocation à s'insérer dans les plans
locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas concertés d'organisation territoriale
(SCOT), et à inspirer de manière générale la réflexion des responsables
locaux et nationaux.
On comprend donc parfaitement la portée politique et culturelle que revêt la
décision de transférer aux Régions la conduite de l'inventaire du patrimoine
culturel. Des équipes qualifiées vont désormais mettre leurs compétences et
leurs savoirs-faire au service de la connaissance des territoires et de la prise
de décision en matière d'aménagement du territoire, en particulier sur les
plans culturels et touristiques.
Dans le cadre de ces nouvelles attributions, j'attache la plus grande
importance au Conseil national de l'Inventaire, que nous installons
aujourd'hui.
Cette nouvelle instance constitue en effet un espace de dialogue pour les
professionnels, autant qu'un lieu de réflexions, de propositions et de débats
pour tous les partenaires engagés dans une démarche d'Inventaire. Le
conseil associe en effet, à parts égales, les milieux scientifiques et l'État aux
acteurs de l'inventaire que sont, depuis de nombreuses années, les
collectivités territoriales.
Votre conseil donnera un avis sur les normes et les documents de références
en matière d'Inventaire. Une section scientifique de ce conseil préparera les
débats pléniers et aidera au bon déroulement des travaux. Dans le dossier
qui vous a été remis vous trouverez les textes en vigueur, sur lesquels je
vous proposerai de travailler aujourd'hui.
Ce conseil évaluera les opérations de l'Inventaire ainsi que son état
d'avancement, notamment à partir des rapports annuels régionaux.
Dans
cette tâche, le concours de la section scientifique est essentiel.
L'analyse du
Conseil permettra le maintien du haut niveau d'exigence scientifique qui
constitue, depuis son origine, la marque de l'Inventaire général.
En parallèle du travail remarquable que réalisent quotidiennement les équipes
chargées de l'Inventaire en régions, l'Etat initie et coordonne des opérations
nationales. Ce conseil aura vocation à les évaluer. Deux projets vous seront
d'ores et déjà présentés aujourd'hui : ils concernent la prise en compte du
patrimoine industriel, scientifique et technique d'une part, et du patrimoine
littoral d'autre part.
Le conseil traitera plus largement de toute question relative à l'Inventaire. Il
pourra être saisi par toute collectivité territoriale concourant à l'inventaire. Ce
conseil sera donc également un espace de réflexion scientifique et de progrès
méthodologiques. Il doit devenir un acteur incontournable pour permettre une
progression harmonieuse de la connaissance patrimoniale et de l'évolution
des territoires.
Si le Ministère de la Culture assure la diffusion nationale des données issues
des opérations d'Inventaire à travers son site Internet, il met par ailleurs, à
disposition des collectivités territoriales engagées dans une démarche
d'inventaire, une politique éditoriale spécifique. Articulée autour de six
collections nationales d'ouvrages aux caractères distincts, cette politique
permet de transmettre tant aux spécialistes qu'au plus grand nombre, les
résultats des enquêtes d'Inventaire. Nous avons voulu, pour cette première
séance, vous offrir à chacun des exemplaires des principales collections.
Je voudrais encore, avant de conclure, rendre hommage à toutes les équipes
qui depuis quarante ans, ont fait vivre cette extraordinaire entreprise, en arpentant inlassablement le territoire pour rendre accessibles à tous, aux
acteurs politiques et culturels comme aux passionnés de culture, les
richesses de la connaissance patrimoniale. Puisque les chefs des services
régionaux de l'inventaire sont présents aujourd'hui, je veux vous dire toutes
mes félicitations et toute ma reconnaissance pour le travail que vous avez
accompli, qui a, sans aucun doute, contribué à transformer en profondeur le
rapport de la société française à son patrimoine. Je ne doute pas que ce
travail continuera à apporter, dans ce nouveau cadre et avec ces nouveaux
outils, des progrès décisifs pour notre pays et pour chacun de nos
concitoyens.
Je vous remercie.