Installation de l’Autorité de régulation des mesures techniques
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui pour installer l’Autorité de régulation des mesures techniques, qui a été créée par la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. J’ai tenu à en concrétiser la mise en place effective car elle est au cœur de l’équilibre voulu par le législateur.
Le droit d’auteur est un enjeu majeur pour la culture et la création à l’ère numérique. L’internet et la technologie doivent offrir de nouvelles chances à la création et à la diversité culturelle, afin de faciliter l’accès de tous à la culture, dans le respect du travail et des droits des créateurs.
En transposant la directive européenne sur le droit d’auteur, la France s’est inscrite dans un cadre européen harmonisé concernant les mesures techniques. Nous sommes néanmoins allés plus loin que la directive et que nos voisins européens sur deux points, qui sont au cœur de la mission d’équilibre de cette nouvelle Autorité : l’interopérabilité des mesures techniques et la garantie de la copie privée.
Faut-il rappeler qu’il y a un an, d’aucuns n’hésitaient pas à faire le procès de la France et qu’Apple menaçait de quitter notre territoire ? Nous avons lancé un débat sur l’interopérabilité qui a dépassé nos frontières et qui s’est ouvert dans d’autres pays. Et depuis la fin de l’année 2006 les acteurs de la musique en ligne proposent de nouvelles offres musicales prenant en compte cet impératif d’interopérabilité : je pense notamment aux catalogues indépendants qui, depuis le début de l’année, sont disponibles sur les plates-formes Fnac et Virginméga sans mesures techniques, puis à l’annonce récente d’Apple et EMI.
Cela fait d’ailleurs mentir ceux qui l’année dernière caricaturaient notre débat parlementaire, en prétendant que les mesures techniques seraient rendues obligatoires. Bien au contraire, nous n’avons rien interdit mais tout rendu possible.
Mais il faut également éviter de tomber dans la caricature inverse et considérer que la fin des mesures techniques serait annoncée : celles-ci existent depuis longtemps, notamment pour les télévisions à péage, et continueront d’exister. Car l’existence des mesures techniques dépend aussi des modèles économiques finançant les différents genres de création. Or, le cinéma, la musique, et la littérature n’ont pas la même économie.
Les mesures techniques permettent aussi d’innover et de proposer au public de nouvelles offres et de nouveaux modèles qui ne pourraient pas exister sans elles. Je pense en particulier aux offres de location, notamment en vidéo à la demande, mais également à certaines offres d’abonnement. Car les nouvelles technologies doivent être aussi une chance pour créer des offres différenciées et pour les personnaliser : chacun doit pouvoir trouver l’offre qui lui convient.
Le fonctionnement de cette nouvelle autorité administrative indépendant sera régi par le décret du 4 avril 2007, qui a été publié au Journal Officiel hier.
L’Autorité est composée de six membres, nommés par décret pour un mandat de six ans, sur proposition des responsables de leurs organismes d’origine, conformément à la loi, afin de garantir l’indépendance de cette Autorité.
Monsieur Jean Musitelli, conseiller d’Etat, est un fin connaisseur des questions de culture et de diversité culturelle, puisqu’il a été la cheville ouvrière et le rédacteur de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, entrée en vigueur le 18 mars dernier.
Madame Marie-Françoise Marais, conseillère à la Cour de Cassation, est une spécialiste reconnue des questions de propriété littéraire et artistique.
Monsieur Patrick Bouquet, conseiller-maître à la Cour des comptes, fera bien sûr bénéficier l’Autorité de son expertise économique mais également de sa connaissance du secteur des nouvelles technologies.
Monsieur Pierre Sirinelli, membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, professeur à luniversité Paris I Panthéon-Sorbonne, est un spécialiste reconnu de la propriété littéraire et artistique dans l’environnement numérique.
Monsieur Christian Saguez, président de la commission des Technologies de l’Information et de la Communication de l’Académie des Technologies, professeur à l’Ecole Centrale, aura, je n’en doute pas, à cœur d’éclairer les questions techniques dont l’Autorité sera saisie. Il n’a malheureusement pas pu se libérer ce matin.
Enfin, Monsieur Tristan d’Albis, président de la commission de la rémunération pour copie privée, pourra éclairer l’Autorité sur les supports de copie privée et participera avec voix consultative aux travaux de l’Autorité, comme le prévoit la loi.
L’autorité de régulation des mesures techniques aura un rôle fondamental dans l’équilibre de la loi droit d’auteur.
Parce que les possibilités techniques et les usages ne cessent de se modifier et évoluent rapidement, l’autorité de régulation des mesures techniques s’adaptera et sera constamment en phase avec l’innovation technologique, afin de préserver à la fois le droit d’auteur, l’exception pour copie privée et l’interopérabilité.
Afin de garantir le bénéfice de l’exception de copie privée, ainsi que les exceptions pour les personnes handicapées, pour l’enseignement et la recherche et pour la conservation dans les bibliothèques, l’Autorité de régulation des mesures techniques a pour mission de déterminer les modalités d’exercice de ces exceptions. Elle fixera notamment le nombre minimal de copies privées, en fonction du type de support. A défaut de mesures volontaires de la part des titulaires de droit, elle pourra être saisie par les consommateurs, les bénéficiaires des exceptions ou les associations agréées les représentants, et enjoindre aux titulaires de droit de prendre toute mesure nécessaire, en appréciant l’exercice des exceptions au regard du test en trois étapes, c’est-à-dire lorsqu’il ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié.
La garantie de la copie privée est nécessaire pour préserver la liberté des utilisateurs, et pour tenir compte de la multiplication des usages et des supports de lecture, des baladeurs aux ordinateurs, en passant par les lecteurs installés dans les automobiles. Cette liberté trouve sa contrepartie dans la rémunération pour copie privée, payée par les fabricants de supports d’enregistrement. Je tiens à rappeler que la rémunération pour copie privée permet de soutenir de nombreuses manifestations culturelles, des festivals, et des spectacles. Le Gouvernement français a vigoureusement défendu cet équilibre auprès de la Commission européenne à la fin de l’année dernière et reste très vigilant sur ce dispositif qui participe à la diversité culturelle.
Pour favoriser l’interopérabilité, le législateur a confié à l’Autorité le pouvoir d’ordonner l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité des mesures techniques à tout éditeur de logiciel, à tout fabricant de système technique ou à tout exploitant de service afin de permettre au consommateur de lire les œuvres sur le support de son choix.
Comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, dans le souci du respect de la propriété intellectuelle, cet accès donnera lieu à une juste et préalable indemnité.
L’Autorité favorisera, bien sûr, la conciliation. Il est toujours souhaitable qu’un accord puisse être trouvé au cas par cas pour résoudre un problème. Pour autant, le législateur a tenu à doter l’Autorité de pouvoirs étendus, en lui permettant notamment de prononcer des injonctions sous peine d’astreinte financière pour faire exécuter ses décisions. Elle aura également, en matière d’interopérabilité, la possibilité de prononcer des sanctions pécuniaires lourdes pour ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements ou les injonctions de l’Autorité.
Ses décisions pourront néanmoins être contestées en appel auprès d’une juridiction usuelle, la Cour d’appel de Paris.
Conformément à la loi, la publication d’un code source pour le logiciel libre indépendant bénéficiera d’une présomption favorable.
Bien sûr, la création de cette Autorité ne remet pas en cause les droits des développeurs de logiciels : ainsi, en cas d’abus de position dominante, il est préférable de saisir le Conseil de la concurrence. Des dispositions d’articulation avec l’Autorité ont d’ailleurs été prévues. De plus, il reste toujours possible, comme la loi l’a rappelé, de bénéficier de l’exception de décompilation à des fins d’interopérabilité, qui évite le passage par une procédure.
Tout le monde reconnaît l’interopérabilité comme un facteur important de l’attractivité des nouvelles offres en ligne. L’Autorité sera donc un élément clé pour renforcer cette attractivité. Ce mécanisme unifié permet à la fois la souplesse pour s’adapter aux évolutions technologiques rapides, l’égalité pour que la copie privée soit la même pour tous.
L’ensemble de ce dispositif s’inscrit pleinement dans une ambition politique cohérente, qui vise à mettre la technologie au service de la création et de la diversité culturelle. Elle complète les mesures récentes votées dans la loi sur la télévision du futur, qui élargit le financement du compte de soutien à la production des programmes aux distributeurs de télévision par les différents réseaux de communication. Il est en effet nécessaire d’adapter notre politique de soutien à la diversité culturelle, pour en assurer la pérennité à l’ère numérique, afin de défendre la vitalité de notre culture et son rayonnement dans le monde, à l’ère numérique.