Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Claude Douce
Cher Claude Douce,
Je suis très heureux et très fier de vous distinguer aujourd’hui, au palais
Royal. En vous conférant le plus haut grade dans l’ordre des arts et des
lettres, qui est celui du ministère de la Culture et de la Communication, je
rends hommage aujourd’hui, non seulement à un professionnel hors pair
de la communication, mais aussi à un grand homme de culture,
collectionneur, donateur et mécène.
Vous avez consacré quarante-cinq ans et l’essentiel de votre vie
professionnelle au monde de la publicité. Votre carrière prestigieuse
d’entrepreneur et de créateur, votre vision stratégique et l’évolution de ce
secteur clé de l’économie et des médias ont fait de vous une figure
emblématique dans ce domaine, où vous êtes un précurseur.
Votre nom demeure attaché aux aventures créatrices, aux découvertes
novatrices et au développement sans précédent qu’ont connu les agences
de publicité dans ces folles années soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt
dix, années de très forte croissance et de grand diversification, où
vous avez fortement contribué, avec votre personnalité propre, à imposer
un modèle d’excellence française et européen dans ce domaine, aux côtés
d’autres figures emblématiques comme votre frère, trop tôt disparu,
Jacques Douce, dont une fondation perpétue aujourd’hui la mémoire et
l’esprit, et il y a certainement en vous une inspiration et une énergie
familiales, mais aussi d’autres noms qui ont fait avec vous la « Une » de
ces années-là, et je pense notamment à Alain de Pouzilhac, Maurice Lévy
et Alain Cayzac.
Vous débutez très tôt votre carrière au sein d’Havas Conseil, où vous
gravissez tous les échelons, et devenez dès 1970 directeur commercial.
Vous êtes non seulement un meneur d’hommes, mais surtout un
exceptionnel motivateur, un transmetteur d’énergies positives, et vous avez
constamment à coeur de rassembler autour de vous, de vos projets, les
meilleures équipes, les plus créatives, les plus mobilisées, les plus
attentives aux besoins et aux aspirations de vos clients. En cette époque
des Trente glorieuses, où l’économie, la consommation, le progrès
technique connaissent une croissance à deux chiffres, vous révélez votre
génie d’entrepreneur en empruntant à la force, à l’autonomie, à l’audace et
à la ténacité d’un animal mythique et symbolique : le bélier. C’est le nom
que vous donnerez successivement à l’agence, à la fédération d’agences,
et au groupe, d’abord adossés à toute la puissance d’Havas, puis
autonome, que vous créez en 1971 et que vous allez, en dix-sept ans,
hisser aux tout premiers rangs de la publicité en France, en Europe et dans
le monde, grâce notamment à votre alliance avec le groupe anglais WCRS
(Wight Collins Rutherford Scott).
Vous savez percevoir comme personne les évolutions du monde de la
publicité, étroitement liées à celles de la société : décentralisation, avec le
développement d’une implantation territoriale et régionale forte ;
dimension européenne avec la constitution progressive d’un marché
unique de trois cents millions de consommateurs ; internationalisation et
mondialisation, avec la construction de partenariats solides qui permettent
à votre groupe de devenir une référence, non seulement française, mais
mondiale ; diversification et multiplication des supports, avec la
spécialisation des magazines, mais aussi l’ouverture de la bande FM,
l’apparition de nouvelles chaînes de télévision permettant de s’adresser à
des publics ciblés ; explosion du « hors médias », avec l’invention de
nouveaux modes relation clients, que l’on appelle aujourd’hui savamment
« Customer Relationship Management » que l’on appelait déjà, à
l’époque, et vous en êtes l’inventeur, le « marketing direct » ; montée en
puissance, de la responsabilité sociétale et culturelle des entreprises,
avec la création de l’une des toutes premières fondations d’entreprise, la
fondation Bélier pour promouvoir l’art et la culture française dans la
communication publicitaire.
Pour rappeler ne serait-ce qu’un exemple d’une campagne restée dans
toutes les mémoires, chacun se souvient de celle que vous avez imaginée
pour Lotus, où un jeune enfant déroule triomphalement l’ensemble d’un
rouleau de papier dans tout l’appartement, en criant : « Maman » !
La qualité des campagnes publicitaires du groupe Bélier sera
récompensée par d’inombrables prix. En 1986, vous devenez également
Vice-Président Directeur Général du Directoire d’EUROCOM.
En 1988, vous vous attaquez à un nouveau défi : le plan de relance de
McCann Paris, que vous étiez allé défendre à New York, devant le conseil
d'administration de l’une des plus grandes agences de publicité du
monde, qui compte parmi ses clients tout ce que l’imaginaire collectif peut
identifier à la « World Compagny » En une douzaine d’années, et dans un
contexte économique difficile, vous réussissez à faire exploser la
croissance de ce groupe de communication, en lui donnant d’authentiques
couleurs françaises et européennes. En 1992, vous recevez le prix
McCann-Erikson des dix plus grands leaders mondiaux parmi plus de 150
managers de 90 pays du monde.
En 2002, lorsque vous cédez la présidence du groupe McCann-Erikson
France pour prendre une « semi-retraite » puisque vous devenez
conseiller du président de McCann Europe, et que vous prenez des
responsabilités mondiales au sein du groupe, tout en créant votre propre
société de conseil, votre plus grande fierté est non seulement d’avoir
donné à l’un des tous premiers groupes mondiaux de nombreuses et
prestigieuses références françaises, et parmi les références
institutionnelles, le ministère de la Culture, mais aussi, d’avoir développé
l’emploi et d’avoir réussi à épargner à vos collaborateurs les plans sociaux
qui ont marqués le secteur pendant cette période, sans doute parce que
vous avez su anticiper les évolutions importantes, comme la
communication environnementale et le développement durable. Sans doute aussi parce que vous avez su sans cesse, au service de vos clients
et de vos partenaires, créer de nouveaux outils.
Cette puissance de travail et d’anticipation que vous avez mise, selon vos
collaborateurs, « vingt-quatre heures sur vingt-quatre au service de vos
clients », ne peut être comparée je crois, dans ses dimensions
phénoménales, qu’à votre passion dévorante pour la Préhistoire et
l’Archéologie.
Votre intérêt pour l’Art et l’Histoire vous engagent fortement et très tôt, je
l’ai dit, dans le domaine du mécénat en faveur de la révélation et de la
promotion de jeunes artistes, comme ceux du mouvement de la Figuration
Libre : Combas, Ben…
Parallèlement, sur vos fonds personnels, l’on vous doit le sauvetage et la
restauration de trois beaux édifices : dans l’Eure, le manoir de
Bouchevilliers et en Dordogne, le château du Cluzeau et celui de
Sauveboeuf, sur les bords de la Vézère.
Votre goût pour l’Archéologie et pour la Préhistoire vous place depuis
longtemps dans le cercle des amis proches des musées français qui s’y
consacrent. Ces musées ont toujours trouvé auprès de vous une
complicité attentive et généreuse. Grand collectionneur, vous avez su
rassembler des objets dispersés et réunir de rares et précieux
témoignages de cette longue histoire des hommes et de leurs relations
avec la nature, avec leur environnement, leur milieu, qu’ils contribuent à
faire évoluer autant qu’ils sont eux-mêmes façonnés et fascinés par eux.
Vous avez constitué à Sauveboeuf un formidable musée privé, que vous
avez à coeur d’ouvrir à toutes les générations de curieux, de passionnés,
de chercheurs, les plus grands savants, comme Yves Copens ou Henry
de Lumley aux jeunes doctorants ou aux élèves des écoles de Dordogne
ou d’ailleurs.
Vous avez déjà fait don de très beaux ensembles, en particulier à la ville
de Coulommiers et au musée national de Préhistoire des Eyzies-de-
Tayac, que j’ai été très heureux d’inaugurer le 19 juillet 2004, avec lequel
vous entretenez une relation particulièrement privilégiée.
Partenaire exceptionnellement efficace et généreux, vous mettez vos
compétences et vos relations personnelles et vos propres collections au
service du rayonnement de ce musée extraordinaire, le musée de la
longue histoire des hommes, des outils qu’ils n’ont cessés de créer,
d’améliorer pour faire face et s’adapter à leur environnement terrestre,
comme à celui dont ils rêvent, en l’imaginant et en le recréant.
« Le hasard favorise les esprits préparés ».
Votre passion de longue date pour la préhistoire n’est sans doute pas un
hasard, pas plus que la présence de votre main droite qui fait la
couverture d’un ouvrage consacré aux outils préhistoriques.
Membre éminent et particulièrement écouté de la commission des
acquisitions du musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye
et du musée national de préhistoire des Eyzies, vous ne cessez, par votre
action et par votre engagement au service de la connaissance, de la
recherche et de la passion des hommes d’aujourd’hui, de forger de
nouveaux outils. Des outils de culture, d’humanisme et de générosité en
faveur des oeuvres d’aujourd’hui et de demain, et j’aurais pu également
citer votre action en faveur du Téléthon ou des Enfants du monde.
Cher Claude Douce, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.