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Remise à leurs propriétaires de huit oeuvres d’art volées

Mesdames et Messieurs les Maires,

Messieurs les représentants des Conseils généraux,

Monseigneur Philippe Gueneley, évêque de Langres,

Mesdames et Messieurs les directeurs,

Madame le Directeur central de la police judiciaire, Martine Monteil,

Monsieur le Colonel Impini, chef du service technique de recherche
judiciaire et de documentation de la gendarmerie nationale,

Monsieur le Lieutenant-colonel de gendarmerie Pierre Tabel, chef de
l’OCBC, (Office Central de lutte contre le trafic des Biens culturels) ainsi
que son prédécesseur, M. le colonel de gendarmerie Roger Lembert,

Monsieur le Chef adjoint de l’OCBC, Bernard Darties, commandant de
police qui a oeuvré personnellement avec toute son équipe pour le résultat
que nous avons aujourd’hui sous nos yeux,

Mesdames et Messieurs les représentants des douanes,

Monsieur le Président de la Commission de récolement des dépôts
d’oeuvres d’art de l’Etat,

Monsieur le président de l’Observatoire du marché de l’art et des
mouvements des biens culturels,

Mesdames et Messieurs les conservateurs et conservateurs généraux,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui, au ministère
de la Culture et de la Communication, pour partager avec vous la joie et
l’émotion de retrouver des éléments magnifiques de notre patrimoine
national, disparus pour certains depuis mai 1980.

Vous avez sous vos yeux le résultat du travail conjoint de l’Office central de
lutte des biens culturels et de la gendarmerie nationale lors d'une opération
très particulière dont vous trouverez tous les détails, parfois savoureux,
dans le dossier de presse.

Cette opération est exceptionnelle, à plus d'un titre : elle a pu être menée à
bien grâce à un partenariat exceptionnel entre la police, la gendarmerie
nationale et la police belge, dont je veux remercier ici les représentants.

Cette enquête difficile démontre, s'il en était besoin, le potentiel
extraordinaire offert par cet outil fondamental qu'est la base TREIMA
(Thésaurus de recherche électronique et d’imagerie en matière artistique),
photothèque de l'Office Central de lutte contre le trafic des Biens culturels.

Vous avez devant les yeux trois des huit oeuvres récupérées en Belgique en
2006 par l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens culturels. A cette
moisson, il faut ajouter deux oeuvres appartenant à des propriétaires privés.

Toutes les oeuvres ne sont pas physiquement présentes ici, pour
d'évidentes raisons de conservation et de sécurité, mais leur retour
prochain dans leurs départements d’origine est d’ores et déjà programmé et
sera mis en oeuvre dès que possible par nos services. Ils ont été accueillis
par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, et
trois restaurateurs diligentés par la direction de l'architecture et du
patrimoine font le nécessaire pour que ces statues fragiles puissent être
transportées sans dommage.

Vous voyez d'ailleurs défiler sur cet écran les photographies de toutes les
statues : elles ont été prises lors de leur localisation en Belgique ou au
coffre de l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens culturels, et
confrontées aux images plus anciennes des services en charge du
patrimoine.

Nous pouvons remarquer ensemble que ces oeuvres, malheureusement, ne
nous reviennent pas indemnes, loin de là : le saint Séverin d’Outrebois a
perdu sa polychromie ancienne et laisse apparaître le bois nu ; le Christ aux
Liens de Mailly-Maillet est aujourd'hui défiguré, au sens propre du mot ;
d’autres statues ont été totalement repeintes de manière parfaitement
outrageuse, que ce soit la grande Vierge de Pitié de Domart-en-Ponthieu ou
le Saint-Sébastien de Mailly-Maillet. Dans ces cas, le vol s’est accompagné
de vandalismes, qui laissent sur les oeuvres des stigmates difficilement
réversibles.

Ces mutilations n'ont d'autre objectif que de maquiller l'oeuvre, de la
déguiser, pour la dérober aux recherches ; elles n'ont pas empêché
cependant la Base TREIMA, grâce à un moteur de recherche de similarité
d'image très performant, d'identifier ces pièces de manière quasi-immédiate
par une comparaison très fine des images disponibles. La technologie la
plus poussée permet de déjouer le vandalisme, en attendant que ces
résultats impressionnants contribuent à décourager les auteurs de ces
atteintes inadmissibles à un patrimoine que nous avons à préserver et à
transmettre.

D'une manière générale, des efforts importants de restauration et de
sécurisation seront à prévoir sur les oeuvres qui nous reviennent
aujourd'hui, et je tiens à préciser que les services du ministère de la culture
et de la communication seront actifs, aux côtés des communes
propriétaires, dans cet effort qui s'ouvre, comme ils l'ont été dans le travail
de restitution qui s'achève.

Je veux saluer ici l’action décisive de l’Office central de lutte contre le trafic
des biens culturels, service spécialisé de la Direction centrale de la police
judiciaire du ministère de l'Intérieur. A l'occasion de cette cérémonie de
restitution d'oeuvres volées, permettez-moi de rappeler quelques éléments
importants de notre lutte contre le vol et le trafic des oeuvres d'art.

L'élément clé de cette lutte, c'est la concentration de l'effort des services
publics par la coopération de tous les ministères concernés : l'Intérieur, bien
sûr, avec l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, mais
aussi avec la Brigade de répression du Banditisme ; la Défense, qui mobilise la Gendarmerie Nationale, le service technique de recherche
judiciaire et de documentation de Rosny-sous-Bois ; les Finances, qui
comprennent la Direction générale des douanes et la Direction des
enquêtes douanières ; la Justice ; et enfin tous les services patrimoniaux, à
l'échelle de l'État, avec les directions patrimoniales de l’administration
centrale ou les directions régionales des affaires culturelles appartenant au
ministère que je dirige, comme à l'échelon des collectivités locales, sans
oublier les conservations départementales des antiquités et objets d’art.

Cette coopération quotidienne porte des fruits visibles ; elle a permis de
retrouver de nombreux objets très précieux, auxquels sera consacrée, en
mai prochain, dans les locaux du ministère de la culture et de la
communication, une exposition temporaire, destinée à informer et
sensibiliser le public sur les actions de prévention du trafic illicite des biens
culturels et de récupération des oeuvres d'art volées.

Il ne suffit pas, pour endiguer le phénomène, de tenir des statistiques
précises sur les faits commis ; il faut aussi tout tenter et tout mettre en
oeuvre pour prévenir les vols. C’est tout le sens des programmes mis en
oeuvre au sein de la direction de l’architecture et du patrimoine pour les
objets protégés au titre des monuments historiques : des actions de
prévention sont menées, sur la longue durée, par des conseils aux
propriétaires et gestionnaires pour accompagner la sécurisation des édifices
et des oeuvres ; un travail sans relâche est accompli pour le récolement, la
documentation des oeuvres et l’accessibilité de cette documentation au plus
grand nombre.

En cas de vol, tout est immédiatement mis en oeuvre par les services en
charge du patrimoine pour faire parvenir au plus vite la documentation
nécessaire aux services enquêteurs. Quand, le plus souvent après des
enquêtes longues et patientes, l’oeuvre est retrouvée, ces mêmes services
viennent systématiquement aider les propriétaires lésés, qu’ils soient
publics ou privés, propriétaires volés ou acquéreurs de bonne foi d'oeuvres
dérobées, pour les accompagner dans toutes leurs démarches
administratives et juridiques et dans toutes les interventions nécessaires à
la remise en place des oeuvres.

Cette action sans relâche doit s’appuyer sur une législation et une
réglementation forte et adaptée, tant en France qu’en Europe, afin que le
trafic d'objets d'art ne soit plus ce qu'il est resté trop longtemps, une forme
de délinquance à la fois fortement rémunératrice et faiblement sanctionnée.

En France, dans l’état actuel de notre législation, le fait que le vol affecte un
bien culturel reconnu Trésor National ne crée pas de circonstance
aggravante.

Je souhaiterais, en lien naturellement avec l’ensemble des ministères et des
autorités concernées, que les plaintes soient instruites avec une attention
particulière et que le vol d'un objet d'art protégé puisse être par lui-même
plus sévèrement sanctionné, ce qui suppose, bien sûr, une modification du
code pénal.

L'amélioration de la coopération administrative passe également par la mise
en place des moyens nécessaires à la mise en commun de bases de
données harmonisées, alimentées régulièrement, facilement consultables et sécurisées. Je veux d'ailleurs saluer ici le travail accompli par les services
du ministère de l'Intérieur pour rendre accessible sur Internet la base de
données des objets volés TREIMA, afin de la rendre accessible aux
professionnels du marché de l’art et aux institutions patrimoniales, pour
qu'ils puissent participer ensemble à la lutte contre le trafic des biens
culturels.

L’enjeu est de taille : il s'agit de créer des conditions saines pour le
développement du marché de l’art, et de sécuriser les acquisitions d’oeuvres
autant pour les institutions patrimoniales que pour les professionnels ou les
amateurs. Il s'agit d'une priorité de l’Observatoire du marché de l’art et du
mouvement des biens culturels, qui est un organe essentiel de concertation
entre les directions patrimoniales du ministère de la Culture, les autres
ministères concernés et le marché de l’art, que je viens de confirmer dans
ses missions, et dont je suis heureux de saluer le président.

Dès à présent, en attendant la mise en place imminente du portail unique
d’accès aux bases de données, des écrans de recherche accessibles sur le
site du ministère permettent d'accéder aux notices d’oeuvres volées ou
disparues présentes dans la base Palissy.

La lutte contre le trafic illicite des biens culturels est aussi un enjeu
européen : la France souhaite contribuer à la mise en place et au
développement d'instruments communs pour améliorer la coopération entre
les administrations des États membres concernés par le trafic illicite des
biens culturels.

L’harmonisation des législations patrimoniales est un grand chantier, dont
nous ne pourrons faire l’économie dans les années à venir. La prévention
des vols de biens culturels doit rester notre souci permanent, pour pouvoir
atteindre enfin sa pleine efficacité. Dans cet engagement de longue haleine,
c'est une vraie joie et une récompense de taille que de pouvoir, comme
aujourd'hui, observer le retour d'oeuvres magnifiques dans leurs cadres
originels. Cet aboutissement longtemps attendu, longtemps espéré,
longtemps préparé, est surtout un encouragement pour l'avenir : avec
l'engagement de tous, nous pourrons, j'en ai la certitude, obtenir des
résultats et des progrès concrets dans ce combat pour le patrimoine, pour la
mémoire, pour la culture, qui est avant tout, vous le savez, un combat pour
notre futur.

Je vous remercie.

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