Ouverture de la 15e édition des Entretiens du Patrimoine sur le thème "Patrimoine de l’Europe, patrimoine européen" à l’Espace Pierre Cardin
Madame le Ministre, chère Isabel Pires de Lima,
Monsieur le Ministre, cher Giorgos Voulgarakis,
Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux d’ouvrir aujourd’hui la quinzième édition des
Entretiens du Patrimoine. J’ai déjà eu l'occasion d'inaugurer, depuis mon
arrivée au ministère de la Culture et de la Communication, plusieurs
sessions des Entretiens du patrimoine, mais c’est la première fois qu'une
édition se trouve placée sous le signe de l’Europe, et je m’en réjouis
particulièrement.
Parce que notre patrimoine est notre bien commun, parce qu’il est, plus
que le témoin, l’expression même de notre histoire collective, il est notre
plus bel atout pour animer et faire vivre la conscience, l’identité et les
valeurs européennes. La circulation des idées et de tous ceux qui les
portent, artistes, écrivains, architectes, à toutes les époques, et leur
inspiration réciproque, ont tissé jusqu'à aujourd'hui un réseau de mémoire
à la fois unique et complexe, dont la présence est perceptible d’un bout à
l’autre de notre continent. L’existence de ce patrimoine partagé est l’un des
fondements de l’identité européenne.
A l’heure où nous célébrons le 50e anniversaire du Traité de Rome, et au
moment où nous nous préparons à lancer, dans quelques heures, le label
du patrimoine européen avec mes deux collègues ici présents – Mme Peres
de Lima, ministre de la Culture du Portugal, et M.Voulgarakis, ministre de
la Culture de la république hellénique – j’ai souhaité réunir à Paris des
personnalités de plusieurs pays d’Europe – Allemagne, Espagne, Grande-
Bretagne, Grèce, Italie, Roumanie, République Tchèque – et des
responsables d’institutions européennes prestigieuses, pour les inviter à
réfléchir ensemble, avec leurs collègues français, sur le patrimoine
européen.
S’il est vrai qu’à l’époque où le Traité de Rome a été signé, il était clair que
la culture ne pouvait en aucun cas devenir une compétence des institutions
européennes à construire, tant était ancrée l’idée que la culture se rapporte
exclusivement à l’identité de chaque nation, s’il est vrai aussi qu’il fallut
attendre le Traité de Maastricht pour qu’une place soit officiellement
dévolue à la culture dans la construction européenne, il est non moins
évident que la culture doit aujourd’hui devenir une dimension centrale du
projet européen qu’il nous faut relancer aujourd’hui. Cinquante ans après
son acte fondateur, nous avons devant nous une nouvelle étape de la
construction européenne, une étape majeure, dont il nous appartient
d’inventer les formes, les objectifs et les solutions.
Au point de départ de l'aventure européenne se trouve une intuition
remarquable : le meilleur moyen de lier entre eux les pays européens,
c'est de les unir par des solidarités concrètes et indissolubles. En 1951,
pour Robert Schuman et Jean Monnet, il fallait inventer cette solidarité
dans le domaine de la sidérurgie ; ce fut la Communauté européenne du
charbon et de l'acier. Aujourd'hui, alors que notre union est largement
construite sur les plans de l'économie, de la monnaie ou de l'industrie,
c'est dans le domaine de la culture que nous sommes appelés à créer de
nouvelles solidarités concrètes. Pour en donner un exemple, je voudrais
citer le réseau Herein, « réseau européen du patrimoine », outil
remarquable de dialogue interculturel et de coopération
intergouvernementale.
Il nous faut aujourd’hui identifier et mettre en valeur les éléments de
culture et de patrimoine qui ont contribué par le passé et qui contribuent
toujours à forger l'histoire et la conscience d'une communauté de pensée
européenne.
La réflexion que vous allez engager durant ces trois jours porte donc à
mes yeux un enjeu extrêmement important. Je tiens à remercier
chaleureusement M. Jean Musitelli, ambassadeur de France, qui a été
notre ambassadeur auprès de l'UNESCO, d’avoir accepté la présidence
de ces trois journées et d'avoir activement participé aux réflexions
préalables à l'organisation de ces Entretiens. Son expérience et sa
connaissance des problématiques patrimoniales sont un atout précieux
pour le succès de cette Rencontre, et je suis très heureux de sa présence
parmi nous.
Ces trois jours devraient permettre d’aborder les principales questions qui
surgissent à l'évocation de la notion de Patrimoine de l'Europe.
En vous aidant de l’étude d’opinion que la Direction de l’architecture et du
patrimoine du ministère de la Culture et de la Communication a
commandée à cette fin, vous pourrez tout d’abord vous interroger sur
l’idée que les Européens se font de leur patrimoine, de manière à mieux
comprendre les différentes manières dont ce patrimoine est géré dans les
différents pays.
La recherche des bases déjà existantes d’une communauté patrimoniale
européenne, et des conditions d’un dialogue des patrimoines, sera élargie
par l'étude des situations de trois autres continents, grâce à la présence
de personnalités venues du Mexique, du Bénin et du Japon.
C'est enfin, en présence de Jacques Toubon, président de la Cité
nationale de l’histoire de l’immigration, mais aussi président du Haut
Conseil franco-allemand, que vous pourrez aborder, le troisième jour, les
nouvelles dynamiques du patrimoine, et en particulier le projet, qui trouve
aujourd'hui son premier aboutissement, de Label européen du patrimoine.
Cette initiative est née d'une proposition formulée lors des « Rencontres
pour l'Europe de la Culture », que j'ai accueillies à Paris, à la Comédie-Française, en mai 2005, et qui rassemblaient les ministres de la culture,
avec des artistes, des créateurs et des penseurs, venus de tous les pays.
Lancé avec mes collègues espagnols, grecs, hongrois, roumains, et
italiens, rejoints ensuite par la plupart des pays européens, ce label
distingue les hauts lieux de mémoire et de création, les sites et les
monuments emblématiques de l’identité européenne, qu’ils évoquent
notre passé commun ou qu’ils représentent l’avenir que nous bâtissons
ensemble, afin que le public le plus large ressente et s’approprie cet esprit
européen, cette identité culturelle qui lie nos destinées depuis des siècles.
Cette visibilité européenne est essentielle pour l’attractivité de nos
territoires. L’attribution de ce label engagera les opérateurs ou les
propriétaires de ces lieux à un effort particulier en matière d’accueil des
publics et d’animation multilingue. Je souhaite que le plus grand nombre
d’États puisse pendant le mois de mars apposer les plaques sur les
premiers sites labellisés retenus à titre symbolique. Je sais qu’en ce
moment même en Espagne, notre collègue Carmen Calvo procède au
lancement du Label européen par l'apposition d'une plaque sur le
monastère de Yuste.
Je tiens à dire que ce processus est une démarche ouverte, à laquelle
chaque pays membre peut se joindre dans les mois ou les années qui
viennent. Les pays qui n’ont pas encore fait de propositions de sites
pourront rejoindre le processus en cours quand ils le souhaiteront et
présenter leurs propositions lors de la première réunion du Comité
européen, composé des ministres européens de la culture ou de leurs
représentants, qui se réunira en septembre prochain, et ensuite au moins
une fois par an.
Cette première réunion aura par ailleurs pour objectif de créer un comité
d’experts qui sera consulté sur les sites proposés et se réunira, avant la
fin de l'année 2007, pour permettre au Comité du patrimoine européen
d’arrêter, au début de l’année 2008, la nouvelle liste de sites susceptibles
d’être labellisés selon une procédure désormais régulière et formalisée.
La France assurera le secrétariat du label du patrimoine européen en
2007 et l’Espagne en 2008, et je propose qu'en 2008, pendant la
présidence française de l’Union européenne, soit organisée à notre
initiative une réunion de l’ensemble des opérateurs des sites labellisés,
afin de les inciter à se structurer en un réseau attractif et démonstratif de
l’identité européenne. Nous souhaitons vivement qu’un nombre suffisant
de pays puissent soutenir cette initiative, afin que le label puisse devenir,
à terme, une véritable action communautaire.
Cher collègue, j’aurai la joie de participer, lundi prochain, à la cérémonie
prévue à l’Acropole d’Athènes, le 26 mars à votre invitation ; mais aussi à
l’apposition de la plaque sur le Capitole à Rome le 23 mars à
l’invitation de M. Rutelli, notre collègue italien. Je tiens à vous remercier
tout particulièrement, Madame le Ministre, chère Isabel Peres de Lima et
Monsieur le Ministre, cher Giorgos Voulgarakis, d'avoir accepté d'être à
mes côtés aujourd'hui à Cluny. Votre présence est pour moi le signe le
plus fort de l'esprit de ce Label : en mettant en valeur des lieux essentiels
de notre histoire et de notre culture communes, nous voulons faire
prendre conscience au public le plus large que la substance même de l'esprit européen est une sorte d'esprit de famille, l'esprit d'une
communauté dont les racines plongent au sein même des fiertés
nationales, qui sont légitimes et qu’il convient d’honorer.
Je vous souhaite à tous de vivre trois journées de discussions riches et
fructueuses, de rencontres, de découvertes ; je ne suis pas le seul à en
attendre les résultats avec intérêt ! En tous les cas, je veux vous remercier
d'ores et déjà de votre présence, de votre curiosité et de votre passion, au
service du patrimoine, au service de la culture, au service de l'Europe.
Je vous remercie.